Sortons un peu du domaine strict de la danse (mais pas tout à fait…) à l’occasion de cet article. Je vais vous parler un peu de typographie. Pour simplifier, la typographie est l’art de mettre des caractères ensemble pour former des mots. C’est ce qu’ont fait pendant longtemps les imprimeurs avec leurs caractères en plomb (à l’envers) qu’ils assemblaient en lignes en vue de l’encrage qui amène à l’impression sur papier. Ça, c’est ce que faisait Gutenberg, l’inventeur de la discipline au XIXe siècle. De nos jours, les imprimeurs travaillent de plus en plus grâce aux technologies numériques et l’encrage du papier est piloté par des ordinateurs. Or, il y a des ordinateurs dans la plupart de nos maisons et chacun peut devenir lui-même son propre imprimeur pour des petits besoins.
Je ne vais pas détailler ici une par une les règles de typographie, mais je souhaite mettre en évidence la partie un peu plus « créative » de la typographie. Elle se situe non seulement au niveau de la disposition des caractères sur une page, mais aussi dans le choix des polices de caractères. Lorsqu’une personne débute dans la réalisation d’un document sur ordinateur, elle tombe assez facilement dans des pièges qui aboutissent à un document (affiche, formulaire, etc.) réellement moche. Eh oui, un logiciel comme MS Word donne accès à tellement de possibilités en quelques clics de souris qu’on a vite fait d’en abuser. Regardez donc le petit exemple ci-contre.
On voit que l’auteur de cette affiche a cédé à toutes les tentations : polices de caractères trop nombreuses, effets visuels à gogo, mise en page contre-productive, couleurs mal utilisées, petits smileys inutiles, etc. Peut-être vous donnerai-je ultérieurement les règles et bonnes pratiques pour concevoir une affiche qui soit lisible et qui fasse passer le bon message. Ce qui suit est déjà un premier pas… Je voudrais en effet vous faire remarquer les caractères utilisés pour écrire les mots « valse », « rock » et « tango » qui sont tout à fait inadaptés.
Lorsqu’on écrit un titre ou quelques éléments de texte pour une affiche, on essaye de faire passer un message. Ce message est inclus dans le fond du texte, mais aussi dans la forme de celui-ci. Le choix d’une police de caractères est important pour cela. Regardez donc les mots suivants.
La police de caractères utilisée pour chaque mot correspond bien à l’ambiance qu’ils décrivent respectivement. Le mot « douceur » est composé de caractères aux lignes arrondies et on imagine qu’ils peuvent contenir de l’air. Le mot « cirque » est composé des habituels ornements d’un cirque dans la mémoire collective et l’on associe facilement cela aux animaux dressés et la pointe interne aux lettres fait penser à un chapiteau. Enfin, le mot « karaté » fait penser au Japon grâce à sa référence à la typographie asiatique à l’encre de Chine. Lorsqu’on réalise un dépliant, une affiche ou tout autre document où se trouve du texte à « impact », il faut donc réfléchir à la police de caractères à utiliser pour un meilleur message.
Regardez l’exemple ci-dessous avec les mots « salsa », « valse » et « rock’n’roll » « charleston » écrits de différentes manières. Si l’on souhaite que l’ambiance de la danse transparaisse dans l’écriture de son nom, le choix est vite fait.
Alors, quelle ligne choisiriez-vous ? On pourrait dire que c’est très subjectif, et c’est en partie vrai. Cela dit écrire « salsa » avec des caractères symbolisant de la neige (ligne 3) symbolise mal la chaleur de la danse. De même, la valse (ligne 1) ne semble pas faire partie des disciplines habituelles du cirque et le charleston n’est pas synonyme de technologie et d’affichage LCD (ligne 3) et pas plus de culture hip-hop et de tags (ligne 2)… Il nous reste donc la ligne 4 où l’on voit la classe de la valse viennoise, l’aspect rebelle du rock, la créativité de la salsa et l’ambiance Cotton Club du charleston. C’est, je l’avoue, un ressenti personnel et d’autres polices de caractères auraient pu convenir. Mais j’espère que vous aurez compris l’idée générale présidant à la suggestion d’une ambiance rien qu’en écrivant un mot.
Pour finir, il est clair qu’il ne faut pas abuser de ce type de procédé. L’exemple de l’affichette « moche » présentée plus haut en est l’illustration. Même si les mots étaient écrits dans une police correspondant à l’ambiance associée à leur signification, si l’on change de police à chaque mot, il n’y a plus rien qui passe dans ce fouillis de caractères… C’est comme en danse : il est dangereux de trop mélanger des styles différents dans une même danse, car il en résulte que l’on ne sait plus ce que l’on danse. En revanche, il faut qu’il y ait un minimum de style et de technique pour donner corps à une danse et engager la communication entre les partenaires entre eux ou entre les danseurs et le public.