S’il y a une routine swing (aussi appelée enchaînement de jazz roots ou authentic jazz) que tout danseur de swing doit connaître, c’est bien le shim sham, où plutôt le « Shim Sham Shimmy » qui est son nom complet d’origine. C’est un enchaînement amusant et qui s’apprend assez vite que l’on retrouve traditionnellement dans nos soirées swing contemporaines, particulièrement lorsqu’il y a un orchestre en direct.
Le shim sham shimmy est à l’origine un enchaînement de danse à claquettes. Leonard Reed et Willie Bryant sont souvent crédités de la création de cet enchaînement, évolution d’un autre enchaînement appelé « Goofus ». J’aimerais partager avec vous ce qu’écrit Constance Vallis Hill, dans son très complet livre « Tap Dancing America » à ce propos (je vous le traduis, car le livre est en anglais).
Sur le titre « Turkey in the Straw », l’enchaînement sur la durée d’un thème était dansé sur 32 mesures. […] Reed se souvient que les chorus girls aimaient tant « Goofus » qu’elles y ajoutèrent leur propre touche féminine sur le pas de sortie par un shimmy. Quand Reed et Bryant parvinrent à New York en 1931 pour se produire au Lafayette Theatre de Harlem, ils découvrirent que la danse avait déjà pris et qu’elle constituait un enchaînement de prédilection dans un club nommé le Shim Sham. En ce lieu, il était régulièrement dansé par une troupe de filles sous le nouveau nom de shim sham shimmy. […] Depuis cette époque, littéralement des centaines de personnes, ne connaissant pas les origines de la danse parmi les chorus girls, créèrent leurs propres versions du shim sham. Dansé durant tout le XXe siècle au point fort des spectacles, le shim sham est considéré comme l’hymne national de la danse à claquettes.
Par la suite, le shim sham s’étendit au monde de la danse swing et fut dansé dans les soirées dansantes à la fois par les danseurs à claquettes et par les danseurs de swing (et en particulier de lindy hop). Comme le lindy hop s’endormit durant les années rock et disco, le shim sham survécut aussi en sommeil dans le milieu des claquettes.
Voici ce que dit Frankie Manning (dans son autobiographie, « Frankie Manning, l’ambassadeur du lindy hop« ) sur le renouveau du shim sham dans les années 80.
[Le shim sham] est constitué de quatre pas de base : le shim sham, les pushes avec un crossover, tacky Annie et les half breaks. […]
Au fil des années, j’ai enseigné dans de nombreux stages de la NYSDS et j’ai assez tôt introduit le shim sham lors de leurs soirées. Quelques-uns d’entre nous, comme Norma, Buster, Betty Brisbane (une ancienne girl) et moi, commencèrent à le faire et les gens commencèrent à le connaître avant que j’enseigne le moindre shim sham en stage. Je créai une version spéciale du shim sham pour les danseurs de swing avec des freezes au lieu des breaks dans le second thème et un troisième thème de boogies et Shorty George. D’une certaine manière, nous en vînmes à le faire chaque semaine (ce que nous ne faisions pas au Savoy), toujours au début du troisième set. Au fur et à mesure, j’ajoutai de nouvelles caractéristiques comme le fait de partir en swing out après le troisième thème, avec du slow motion, des freezes et des itches. Le shim sham a vraiment pris et il est à présent dansé dans les soirées du monde entier.
Le shim sham peut être dansé sur diverses musiques swing, mais il est d’usage de le faire sur « T’Ain’t What You Do » (la version de l’orchestre de Billy May ou celle de l’orchestre de Jimmy Lunceford sont souvent préférées) car ce titre contient les breaks adéquats. On peut aussi utiliser le « Shim Sham Song » du Bill Elliot Swing Orchestra (album « Swingin’ the Century », « Tuxedo Junction » d’Erskine Hawkins ou « Stompin’ at the Savoy » de l’orchestre de George Gee (avec les annonces faites par Frankie Manning en personne). Le shim sham est aujourd’hui traditionnellement dansé à la fin d’une soirée swing. Les danseurs se mettent face à l’orchestre pour faire ce shim sham en guise de remerciement pour la musique sur laquelle ils ont dansé toute la soirée. Cela n’empêche pas que cet enchaînement puisse être dansé n’importe quand dans la soirée. Bien des danseurs de swing ont acquis le réflexe de danser un shim sham dès qu’il entendent les premières notes de « T’Ain’t What You Do ».
Pour finir cet article, voici la chorégraphie du shim sham la plus dansée, celle de Frankie Manning. Chaque ligne numérotée se danse sur 8 temps. Pour savoir ce que signifient les noms indiqués, je vous conseille soit de prendre des cours, soit de consulter mon livre « Le lindy hop et le balboa » qui comporte tous les détails pas à pas.
Partie 1 -------- 1 Stomp off pied droit (départ sur le 8) 2 Stomp off pied gauche 3 Stomp off pied droit 4 Break 5 Push et crossover à droite 6 Push et crossover à gauche 7 Push et crossover à droite 8 Crossover à gauche, puis à droite 9 Tacky Annie 10 Tacky Annie 11 Tacky Annie 12 Break 13 Half break 14 Break 15 Half break 16 Break Partie 2 (avec les freezes) --------------------------- 17 Stomp off pied droit 18 Stomp off pied gauche 19 Stomp off pied droit 20 Freeze (avancer le pied droit sur le 8) 21 Push et crossover à droite (poids du corps sur pied gauche...) 22 Push et crossover à gauche (...avant de démarrer le 1er push) 23 Push et crossover à droite 24 Crossover à gauche, puis à droite 25 Tacky Annie 26 Tacky Annie 27 Tacky Annie 28 Freeze (avancer le pied droit sur le 8) 29 Half break 30 Freeze (avancer le pied droit sur le 8) 31 Half break 32 Freeze (avancer le pied droit sur le 8) Partie 3 (les boogies) ---------------------- 33 Boogie back 34 Boogie forward 35 Boogie back 36 Boogie forward 37 Boogie back 38 Shorty George 39 Boogie back 40 Shorty George Partie 4 (improvisation) ------------------------ 41 Lindy hop en couple (avec le ou la partenaire le ou la plus proche...)
La vidéo qui me permet de conclure ici montre Frankie Manning en personne qui, en 2003 et à l’âge de 89 ans, conduisait un shim sham dans le Kansas, aux USA. Frankie Manning est décédé à l’âge de presque 95 ans et nous lègue sa passionnante autobiographie dont j’ai eu le plaisir d’assurer la traduction en français et l’édition française (voir plus haut). N’hésitez pas à l’acheter, ça vaut la peine de se cultiver directement auprès de personnes qui ont vécu la naissance du lindy hop au son des big bands autour des années 30.