Lorsqu’on débute la danse, on ne se pose jamais la question du niveau dans lequel on doit s’inscrire. On s’inscrit au niveau « débutant » voire « initiation » et c’est tout. C’est un peu plus tard que les interrogations ou différences de points de vue apparaissent. Prenons le cas de cours réguliers à l’année. Dans le cas idéal où tous les élèves progressent d’une manière uniforme et passent au niveau supérieur d’année en année, tout est simple. Or, par définition, un idéal n’est jamais atteint. Il arrive forcément un moment où il y a au moins un élève ou un couple qui reste à la traîne. Le dilemme est alors posé : soit ils montent de niveau avec les autres et puis tant pis s’ils restent en arrière, soit ils « redoublent » et il faut leur accord pour que cela leur soit réellement bénéfique. En effet, comme à l’école, le fait de suivre deux années de suite un même niveau peut être mal perçu. Pourtant, c’est plutôt un avantage qu’un inconvénient.
Il est évident que chaque individu apprend et progresse à un rythme qui lui est propre. Dans un contexte de danse, untel peut avoir des facilités à se repérer dans l’espace et ne pas parvenir à guider en même temps qu’il écoute la musique alors qu’une autre personne aura des problèmes pour mémoriser certains déplacements tout en ayant une excellente oreille musicale. Par rapport à une progression moyenne de groupe, il faut donc travailler et travailler encore les points faibles ; mais comme tout le monde n’a pas les mêmes défauts, certains auront toujours des problèmes en fin d’année. C’est là où le fait de refaire un même niveau de cours collectif est utile. Et pourquoi ne pas travailler double en suivant le niveau supérieur tout en participant une seconde fois aux cours du niveau suivi lors de la saison précédente ? Personnellement, j’ai suivi durant plusieurs années les cours débutants en parallèle de ma progression « normale ». L’avantage est que l’on gagne en maturité sur les bases et, puisque l’on danse avec des vrais débutants, on voit réellement où ils ont des problèmes : cela oblige à porter son attention sur des détails que l’on n’était pas en mesure de saisir la première fois où tel ou tel cours a été suivi. Bref, reprendre les bases en permanence est nécessaire pour bien danser, mais il faut garder assez d’humilité pour admettre que l’on apprend tous les jours, même les choses les plus simples en apparence.
J’étais récemment en tant qu’élève (il faut bien continuer de se former car on ne peut pas tout connaître…) dans un grand stage parisien en week-end où plusieurs niveaux étaient proposés en parallèle. Ayant fait le déplacement depuis Toulouse, j’ai choisi de charger l’emploi du temps au maximum et de prendre deux disciplines. En temps normal, j’aurais pu suivre les niveaux les plus élevés proposés, mais afin de me ménager je me suis inscrit dans les avant-derniers niveaux. Cela m’a valu quelques questions de la part de certains. Il y avait tout d’abord les partenaires qui, de temps en temps, me félicitaient pour mon guidage par rapport à d’autres du même cours (ça fait toujours plaisir…). Il y avait ensuite des connaissances qui s’étaient inscrites dans les niveaux supérieurs et qui se demandaient pourquoi je n’y étais pas aussi. Plutôt que d’avoir du mal à mémoriser à la fin d’un stage intensif à son niveau « normal » (essentiellement du fait de la fatigue), il vaut mieux assurer au niveau juste au-dessous et profiter au maximum des enseignements.
Dans le genre de stage que je viens de citer plus haut, on rencontre aussi dans les cours des stagiaires qui font partie de troupes de danse. Les membres de ces troupes (amateurs en général) se produisent en démonstration dans des soirées dansantes sous la houlette de leur enseignant-chorégraphe. Je remarque cependant que certains d’entre eux se croient réellement au-dessus des autres élèves et se permettent de faire des remarques (pas forcément judicieuses ni constructives) aux uns ou aux autres. En réalité, ils ne se remettent pas en question et pensent que c’est forcément l’autre qui est la cause de la mauvaise exécution d’une figure. C’est déjà le début d’une dérive vers le syndrome de la grosse tête. Ce n’est pas parce qu’on a la possibilité de se produire en spectacle qu’on est meilleur que les autres. Quand je regarde les vidéos des prestations de mes débuts professionnels, je vois bien que cela était loin d’être parfait. Néanmoins, le public semblait apprécier. Heureusement, je ne crois pas avoir jamais prétendu danser mieux que tout le monde. Je voulais seulement divertir le public et lui donner envie de danser.
Vous le voyez, le message que je souhaite faire passer dans cet article est que la notion de niveau est très variable et qu’un élève suivant un cours au niveau 5 n’est pas forcément meilleur qu’un autre suivant des cours au niveau 3. Rappelons-nous que, dans une soirée dansante, tout le monde danse avec tout le monde sans distinction de niveau. Je voudrais aussi dire ici, qu’en faisant mécaniquement des figures complexes en permanence, on ne s’amuse pas forcément davantage qu’en dansant simplement avec des figures de bases, auxquelles on ajoute des petits pas et jeux de jambes en relation avec la musique. J’aime bien la simplicité car on peut s’amuser avec tout le monde, du débutant à l’avancé. Si l’on admet qu’on en apprend tous les jours (même un avancé peut apprendre d’un débutant) et que l’on reste humble devant la variété des techniques, danses, musiques et interprétations possibles, on comprend qu’il n’est pas assez de toute une vie pour tout maîtriser.