Lorsqu’on parle de danse, on pense parfois aux films d’Hollywood en noir et blanc mettant en vedette Fred Astaire et Ginger Rogers. Comme j’adore cette époque et ce genre de films, je m’en suis d’ailleurs inspiré dans une nouvelle composant mon second recueil « Nouvelles histoires de danseurs ». On revoit Ginger et Fred, dansant à l’unisson au rythme des cliquetis de claquettes qu’ils produisent sur le sol en rythme avec la musique jazz de la bande-son. En réalité, même si c’est ce couple que l’histoire retient, Ginger Rogers n’a pas été l’unique partenaire de Fred Astaire et, par ailleurs, tout n’a pas toujours été si facile que cela pour ce génie de la danse. J’ai choisi aujourd’hui de vous brosser rapidement son histoire et ses partenariats féminins dans la danse tout au long de sa carrière.
Fred Astaire est né le 10 mai 1899 dans le Nebraska, aux États-Unis, sous un autre nom : Frederick Austerlitz dont le patronyme est hérité de son père autrichien. À l’occasion d’une perte d’emploi, ses parents ont déménagé à New York en imaginant l’impact positif que cela aurait sur la carrière de leurs enfants, Frederick et Adele. « Astaire » est le nom d’artiste que les jeunes gens prirent en 1905 alors qu’ils développaient un numéro commun de vaudeville. On dit qu’ils en eurent l’idée d’après l’un de leurs oncles qu’on appelait « l’astaire ». Ce numéro connut un bon succès initia une série de tournées dans le circuit Orpheum qui les mena à Broadway en 1917. Leurs prestations mêlaient déjà claquettes, valse et tango aux mouvements de danse plus classiques. Après s’être produits ensemble durant des années aux États-Unis et en Angleterre, Fred et Adele se séparent en 1932 lorsqu’Adele épouse Lord Charles Cavendish.
Fred poursuivit alors sa carrière en solo tout en se rapprochant d’une nouvelle partenaire, Claire Luce, puis plus tard de Dorothy Stone. 1933 est l’année où Fred Astaire passe, pour la RKO, une audition restée célébrée pour son compte-rendu succinct : « [Fred Astaire] ne sait pas jouer, légèrement dégarni, sait aussi danser. » Sans plus… et assez peu encourageant, mais il paraît que ses grandes oreilles et la ligne de son menton lui conféraient un charme au point qu’il fut finalement embauché. S’en suivit une série de tournages pour la MGM (« Dancing Lady » avec Joan Crawford et Clark Gable) et la RKO (« Flying Down to Rio », traduit par « Carioca » lors de sa sortie en France, pour la première fois avec Ginger Rogers). Son duo avec Ginger Rogers fut plébiscité et il fut décidé de donner suite à leur collaboration artistique à l’écran bien que Fred y fut très réticent au départ en référence à sa séparation d’avec sa sœur. Le nouveau couple de danse tourna ensuite dix films ensemble entre 1934 et 1938. Le succès de ces derniers permit à Fred une totale autonomie dans sa manière innovante de présenter la danse dans ses tournages.
On crédite Fred Astaire de deux innovations majeures : en premier, le fait de tourner une scène de danse en une seule fois sans s’arrêter (comme dans un spectacle en direct) et avec une seule caméra filmant en légère contre-plongée ; en second, ses scènes de chant et danse faisaient partie intégrante de l’action du film qui progressait dans le même temps. Fred Astaire est considéré comme un artiste-danseur icône de l’âge d’or de la comédie musicale (de 1932 à 1957). Le style de l’exécution chorégraphique de Fred Astaire est reconnu pour son originalité, son élégance et sa précision. Il a composé son propre style à partir de diverses influences, dont les claquettes, le swing, la danse classique et le style de danse en couple introduit par Vernon et Irene Castle. Tout cela mélangé, c’est donc bien le style Fred Astaire. Il est à noter que, même si sa manière de danser sur de la musique swing diffère sensiblement du lindy hop et se rapproche plutôt du foxtrot, Fred était admiratif des danseurs de lindy et inversement. C’est tout du moins ce que Frankie Manning raconte dans son autobiographie.
Après ses films avec Ginger Rogers, Fred fut associé à d’autres danseuses de premier plan comme Eleanor Powell ou Rita Hayworth. Mais le succès ne fut pas au rendez-vous. L’échec de « Yolanda et le voleur » de Vincente en 1945, décourage tellement Fred Astaire qu’il songe à prendre sa retraite et se consacre aux courses et à son écurie. Mais voilà qu’un jour Gene Kelly, son éternel rival, se casse la cheville et qu’Arthur Freed appelle Fred Astaire pour le remplacer avec Judy Garland dans « Parade de Printemps » qui fut un succès au box-office. Et le voilà reparti pour une seconde carrière et un contrat de 10 ans avec la MGM. Puisque Judy Garland est dans un état de faiblesse important, Fred est de nouveau associé à Ginger Rogers dans « Entrons dans la danse ». Un peu plus tard, en 1950, il reçoit son premier Oscar pour « avoir élevé les standards de la comédie musicale ». La même année, il tourne « Un mariage royal » avec Jane Powell qui joue un rôle ressemblant étrangement à la vraie vie d’Adèle, la soeur de Fred, par certains aspects. Et voici « The Band Wagon » (« Tous en scène » en français) en 1953 où Fred partage la vedette avec Cyd Charisse. Nous avons tous en mémoire la fameuse scène très hot du Den Bones Café entre Fred en costume clair et Cyd dans une robe rouge vif. Le succès fut au rendez-vous. Par la suite, Fred Astaire tourna avec Leslie Caron dans « Daddy Long Legs », « Papa longues jambes », (l’année où son épouse décède,d’où les yeux un peu bouffis de Fred dans certaines scènes), Audrey Hepburn dans « Funny Face », « Drôle de frimousse », puis de nouveau avec Cyd Charisse dans « La belle de Moscou » en 1957. Ce film comporte la particularité d’avoir pour dernier morceau dansé un rock’n’roll (composé par Cole Porter) sur lequel Fred danse en chapeau claque et avec sa classe habituelle. Cela symbolise un peu la fin d’un genre et d’une époque.
Les autres apparitions filmées de Fred Astaires sont moins connues de nos jours. Il est en particulier fréquemment passé à la télévision à partir de 1954. On notera quand même des films comme « Mon séducteur de père en 1961 », « Baltimore Kid » (un western…) en 1970, « La tour infernale » en 1974. Fred Astaire a alors 74 ans et ne danse plus à l’écran. Il fera ses adieux définitifs au cinéma en 1981 et mourut le 12 juin 1987.