Dans ce blog, il m’arrive de temps à autre de m’intéresser à une danseuse ou à un danseur en particulier. Certain(e)s sont devenu(e)s célèbres par la télévision ou le cinéma, d’autres sont connu(e)s dans un certain domaine de la danse pour avoir marqué les esprits et influencé la pratique de nombreux de leurs contemporains. Aujourd’hui, je vous propose de parler un peu d’Isadora Duncan, une Américaine que certains ont surnommée « la danseuse aux pieds nus ». Difficile de résumer en quelques lignes tout ce qui a été dit et raconté à son sujet, mais je vais tenter d’aborder l’essentiel. En corollaire à cet article, je vais aussi vous parler d’un livre qui sort ce mois-ci et dont le sujet est en relation.
Isadora Duncan est née à San Francisco, aux États-Unis en 1877. Son père était banquier et grand amateur d’art de manière générale, avec une sensibilité particulière pour la culture grecque antique, et sa mère était musicienne. Suite au divorce de ses parents vers 1880, Isadora et sa famille déménagèrent à Oakland. La petite famille vécut pauvrement et les filles durent donner quelques cours de danse à d’autres enfants du quartier durant leur adolescence afin de compléter les revenus de la mère de famille. En 1895, à l’âge de 18 ans, Isadora Duncan intégra la Augustin Daly’s theater company à New York, mais la danse classique ne lui donnait aucune réelle satisfaction. Sous l’impulsion d’Isadora et pour développer la conception de la danse de celle-ci, toute la famille déménagea pour Londres en 1899, puis quelques mois plus tard pour Paris. Dans ces deux villes, les vestiges grecs des musées (le British Museum et le Louvre) passionnèrent Isadora. On dit qu’à cette époque elle dansait en imitant les positions des peintures de vases antiques tandis que son frère Raymond la photographiait. Ses spectacles de danse étaient basés sur une interprétation de morceaux de musique classique comme le Beau Danube bleu de Strauss, la Marche funéraire de Chopin ou encore la Symphonie Pathétique de Tchaïkovsky.
Plus tard dans sa vie, après l’avoir déjà fait en France et en Allemagne, Isadora Duncan créa sa propre école de danse à Moscou, motivée par la promesse du gouvernement russe de lui apporter son soutien. Une fois l’école bâtie, le soutien en question ne vint pas et elle dut reprendre le chemin de la scène. Le rêve d’Isadora Duncan était de pouvoir enseigner à des enfants qui, à leur tour, auraient enseigné à d’autres enfants. Isadora Duncan est décédée alors qu’elle était dans une automobile en 1927 à l’âge de 50 ans, étranglée par son écharpe. Ses cendres se trouvent au cimetière du Père-Lachaise à Paris.
Philosophiquement, Isadora Duncan s’est radicalement éloignée de la technique de danse classique rigide et, selon elle, contraire à la nature humaine. Elle a toujours recherché le mouvement le plus naturel possible, prônant la connexion entre les émotions et le mouvement. Dans le cadre de cette démarche, elle s’est inspirée de la culture de la Grèce ancienne associée à la recherche de liberté présente dans la culture américaine, donnant ainsi ses fondations à la « danse libre » et à la danse moderne de manière générale, dont s’inspirent certains courants de la danse contemporaine. Lorsqu’elle se produisait, elle était souvent vêtue à la grecque, se drapant dans une pièce de tissu et dansant pieds nus. Six de ses élèves les plus doués s’installèrent aux USA. Ils furent adoptés par Isadora Duncan et prirent son nom de famille. Son travail a permis à la danse de retrouver une place de choix en tant qu’art là où l’aspect divertissement avait tendance à dominer.
L’un des adeptes de la manière de danser d’Isadora Duncan, François Malkovsky, était ami avec l’un des frères de celle-ci, Raymond Duncan. Venu en France pour travailler le chant lyrique, il se découvrit à son contact une vocation pour la danse. Il finit par enseigner lui-même la danse libre dans les écoles et les cours d’éducation physique, imaginant ainsi une approche pédagogique du mouvement naturel humain au sein de la « danse libre » telle qu’elle a été initiée par Isadora Duncan. François Malkovsky est décédé en 1982 en France, à Laon, et son approche de la danse libre continue de se transmettre dans de nombreuses villes.
Cela m’amène à vous parler d’un des livres sur lesquels j’ai travaillé ces dernières semaines et qui a, entre autres activités, retardé le redémarrage de l’écriture d’articles pour le blog que vous consultez. Ce livre, écrit par Anne-Marie Bruyant (qui enseigne la danse libre depuis de nombreuses années), s’intitule « La danse libre » avec pour sous-titre « Sur les traces d’Isadora Duncan et de François Malkovsky ». Je pense qu’à l’éclairage des lignes ci-dessus vous aurez deviné ce dont il parle et que le terme « danse libre » ne fait pas référence au fait d’improviser dans n’importe quel style de danse.
En réalité, ce livre n’est ni un livre sur l’histoire de la danse libre, ni un livre de technique permettant d’apprendre la danse libre chez soi. C’est un ouvrage qui, même si les aspects précédemment cités sont en partie présents, tente d’expliquer les bases de la danse libre, vues de l’intérieur. En effet, la danse libre permet de s’exprimer en toute liberté et en adéquation avec la nature profonde du corps humain, mais elle peut aussi constituer un cheminement intérieur vers un certain bien-être. Le principe est de ne pas forcer le corps dans des positions extrêmes (comme les pointes de la danse classique) et de faire se succéder des mouvements et positions qui correspondent à celle que le corps humain peut faire sans aucune contrainte. C’est donc une forme de danse toute en douceur qui peut très bien convenir aux enfants, aux adultes et aux personnes âgées et elle peut se faire avec ou sans accessoires (balles, bâtons, etc.). S’il est clair que ce n’est pas une manière de danser spectaculaire (mais il existe des chorégraphies et des spectacles de danse libre), le travail se fait à la fois intérieurement, en s’accordant avec la musique et avec sa nature propre, et extérieurement, en oubliant certaines déformations qu’occasionne la vie moderne. Par exemple, il est courant que les personnes débutant la danse libre découvrent qu’ils ne savent pas vraiment marcher et que leur marche de tous les jours pour aller au travail induit des contraintes inconscientes à leur corps. Ceci n’est qu’un exemple de ce que le livre d’Anne-Marie Bruyant explique et j’ai pu découvrir dans cet ouvrage une approche de la danse plus spirituelle que dans d’autres formes de danse. Il est difficile d’expliquer tout cela dans un petit paragraphe comme ici, je vous laisse vous faire votre propre idée en lisant ce livre qui comporte de nombreuses photographies de danse libre aussi bien issues d’archives que prises récemment.
À noter que ce livre, à paraître le 19 novembre prochain, est encore disponible par le biais d’une souscription à tarif préférentiel sur le site des éditions Rolland.