Il y a un certain nombre de modes d’expression que l’on n’imagine pas toujours associer au monde de la danse. Certaines disciplines s’apparentent en effet aussi bien au monde du sport qu’à celui de la danse. L’exemple le plus évident est le patinage artistique (dont je parlerai un jour ici), mais il y a aussi la gymnastique rythmique (GR, anciennement appelée GRS). Ce sont des « disciplines sportives à composante artistique ». Personnellement, je trouve que le rock acrobatique pourrait aussi figurer dans cette catégorie. Dans cet article, je vais vous présenter un domaine auquel que, malgré son nom, l’on n’envisage pas souvent comme une danse: la pole dance.
La particularité de la pole dance, c’est qu’elle nécessite un accessoire essentiel : une barre verticale (« pole » signifie « mât » en anglais). C’est essentiellement accrochée à cette barre de 45 ou 50 mm de diamètre que la danseuse de pole dance évolue en tenue plus ou moins légère. Cette barre a été héritée du temps (dans les années 1920) ou les danseuses en question étaient itinérantes et dansaient sous des tentes (comme au sein des cirques) dont elles réutilisaient les mâts. A l’époque, ces danseuses étaient qualifiées d’exotiques ou d’excentriques (discipline où l’on mettait un peu toutes les formes de danse inclassables ailleurs). Il est vrai que la pole dance est souvent associée au strip-tease, sans doute parce qu’on la rencontre depuis longtemps dans les lieux où les spectacles de strip-tease ou de lapdance ou encore de go-go danseuses sont présentés. Historiquement, la barre verticale a été utilisée comme accessoire secondaire par les jeunes filles qui se dénudaient dans les clubs spécialisés. Peu à peu, certaines d’entre-elles (et d’autres) ont travaillé la technique et élevé la pole dance au rang d’une discipline artistique et sportive où la barre est essentielle et où il ne reste du strip-tease qu’un aspect sexy dans les mouvements et une tenue assez légère. En effet, même si les danseuses restent habillées, leurs vêtements doivent laisser apparaître une bonne surface de peau, car c’est le contact entre la barre et la peau qui contribue au fait que la danseuse tienne en l’air. Dans la plupart des cas, un shorty et un top à manches courtes ou une brassière composent la garde-robe minimale. Dans le même ordre d’idée, il n’est pas question de s’enduire de crème hydratante ou d’huile sur avant de danser : la peau ne doit pas glisser, au contraire, elle doit adhérer à la barre (ce qui conduit parfois à des échauffements de peau douloureux lorsqu’on débute…).
N’oublions pas que la pole dance est désormais une vraie discipline sportive qui est associée à une technique précise. Il ne suffit pas de se déhancher autour d’une barre verticale pour faire de la pole dance. Tout le monde ne peut pas parvenir à tenir en drapeau sur une barre en métal sans un certain entraînement, ni un minimum de connaissances techniques. Inspirée des pompiers qui glissent le long de leur mât pour rejoindre leur véhicule rouge alors que la sirène d’alerte retentir, l’une des figures de base de la famille des « spins » (on tourne autour de la barre, utilisant ainsi la force centrifuge) s’appelle le « Fireman basic ». Elle consiste à s’élancer en tournant autour de la barre avec une main en haut de celle-ci, puis de rassembler les jambes croisées autour de la barre en continuant de tourner. Le mouvement se termine lorsque les pieds touchent le sol et la danseuse se relève calmement en dépliant les jambes avant de redresser son buste. Tout cela se fait sans à-coup de manière sensuelle, comme la plupart des mouvements de pole dance. Dans le même esprit, il y a aussi la « chaise » où la danseuse tourne autour de la barre, les deux jambes du même côté de la barre, fléchies à 90 degrés, comme si elle était assise sur l’une de ces « chaises volantes » que l’on trouve dans les fêtes foraines. Bon nombre de figures de pole dance nécessitent de monter sur la partie supérieure de la barre afin de s’y accrocher et d’effectuer des mouvements ou des positions. C’est, par exemple, le cas de la « planche » où la danseuse tient en position perpendiculaire à la barre, en position quasiment allongée. Dans d’autres figures, comme le « V », la danseuse se tient la tête en bas et les pieds en l’air. Ce type d’inversion est de plus en plus utilisé au fil de l’apprentissage de la pole dance. On devine aisément que ce type de figure est assez physique (la danse est mêlée à l’acrobatie) et il est évident que la phase d’échauffement préalable et celle d’étirement après une séance sont importantes afin d’éviter les accidents.
Qui dit discipline sportive dit aussi compétition. Il existe bel et bien des compétitions de pole dance où la technique est particulièrement importante. Si certaines d’entre elles ont été au début organisées dans les établissements de strip-tease (qui disposaient de plusieurs barres verticales déjà installées), les compétitions sont de nos jours organisées dans des lieux aménagés spécialement pour les compétiteurs et la réception d’un public. La plupart des grandes capitales du monde accueillent des compétitions de pole dance. La dernière édition en date du championnat du monde de pole dance a eu lieu le 9 décembre 2010 à Tokyo et a été remportée par une Japonaise, Mai Sato, chez les femmes (remplaçant une Australienne). Comme dans d’autres disciplines de la danse, des fédérations ont été créées pour organiser les manifestations et regrouper les pratiquants. Par ailleurs, il existe aussi de nos jours de vraies écoles de pole dance avec des locaux dédiés et des barres verticales fixes. Il va sans dire qu’essayer d’apprendre la pole dance à la maison, à partir de vidéos et sans aide revient à s’exposer à des risques d’accident…
En guise de démonstration visuelle de pole dance, je vous propose l’extrait suivant, trouvé sur Youtube comme bien souvent dans mes articles de blog. On y voit une prestation de Mai Sato (championne du monde évoquée plus haut).
La pole dance développe la musculature (abdos, bras, épaules, cuisses et fessiers en particulier : il suffit de regarder d’un peu plus près les photos agrémentant cet article), la souplesse ce qui en fait un sport complet. Mais l’expression corporelle au sein des mouvements y ajoute un aspect artistique qui se développe également. Bien sûr, si l’on a toutes ces qualités dès le départ, l’apprentissage n’en sera que facilité. Néanmoins, avec la pratique et les progrès, toutes ces qualités se développent chez les pratiquantes qui gagnent généralement ainsi en confiance en soi et en aisance. Certaines disent qu’en « faisant de la pole dance, elles se sentent plus femme. » Vous avez sûrement remarqué que je ne parle que de danseuses ? Et les danseurs ? Il en existe, mais peu (certains d’entre eux se produisent en spectacle dans des cabarets ou des cirques et leurs prestations n’ont pas le même style que celles des femmes). Il est vrai que les danseuses de pole dance qui pratiquent en amateur soit désirent accéder à des compétitions de haut niveau, soit souhaitent simplement se défouler en apprenant un mode d’expression qui pourrait un jour séduire leur homme. Je terminerai par citer une autre forme d’utilisation des barres verticales par les Chinois (les mâts chinois circassiens) essentiellement sur scène et par les Indiens (dont le sport autour d’un mât en bois s’appelle le « mallakhamb »). Dans ce contexte, il n’est question que de performance, de spectacle, d’acrobatie et de gymnastique et on ne parle plus de séduction, ni de danse du reste.