Cette semaine, je vous présente Josephine Baker, icône des années 1920 qui est devenue la sixième femme à entrer au Panthéon le 30 novembre 2021. Elle était une artiste qui ne faisait pas uniquement de la danse, mais dans cet article nous allons mettre le focus un peu plus sur sa carrière de danseuse puisque c’est la thématique de ce blog.
Même si on l’imagine couramment en train de se déhancher sur scène vêtue d’une simple ceinture de bananes, Josephine Baker est artiste et danseuse de music-hall noire américaine qui incarne malgré tout complètement l’esprit français de son époque. Elle est née à Saint-Louis dans le Missouri, au sud des États-Unis, le 3 juin 1906. C’est une époque où la ségrégation est commune dans le pays où les Noirs traités comme des sous-hommes. Sa jeunesse s’est passée dans la misère et à 11 ans elle voit l’attaque de son quartier par des blancs durant laquelle de nombreuses personnes sont assassinées. Très tôt, elle se passionne de chant et de danse.
À 13 ans déjà, elle intègre une troupe itinérante qui se produit à New York. Elle veut devenir danseuse de cabaret, mais on dit d’elle qu’elle est trop petite, trop maigre, trop noire, mais elle persiste !
Elle se fait embaucher dans un cabaret de Harlem comme habilleuse
quelques semaines après son arrivée à New York. Un jour, une danseuse fait défaut et Josephine se porte volontaire pour la remplacer au pied levé. Le public est séduit par son style dynamique, humoristique et original.
Après une représentation, une certaine Caroline Dudley vient la voir. C’est une productrice française qui cherche à monter une revue noire à Paris. Josephine accepte sa proposition et, le 15 septembre 1925, à l’âge de 19 ans, elle embarque pour Paris. Elle découvre la France, un pays qui ne pratique pas la ségrégation, et elle s’y sent libre. Son spectacle, créé par treize danseurs et douze musiciens dont Sidney Bechet, la « Revue Nègre » connaît une grand succès rapide. Elle s’y produit les seins nus (ce qui lui a été fortement suggéré pour faire davantage « nègre »/sauvage africaine…), ce qui est nouveau à l’époque, et danse dans un décor de savane au rythme des tambours. En réalité, le spectacle se moque de l’attitude des blancs dans les colonies.
Je vous propose, à titre d’illustration, un passage de charleston dansé par Josephine Baker en 1925. On y distingue bien tout son style évoqué plus haut.
Passant de danseuse à chanteuse et, plus tard, en passant par actrice (dans, entre autres, un film avec Jean Gabin), elle trace une jolie carrière et devient rapidement l’une des plus grandes stars de music-hall de Paris au même titre que Mistinguett au Moulin Rouge. Elle passe par le Théâtre des Champs Élysées, les Folies Bergère, le Casino de Paris où elle chante sa célèbre chanson « J’ai 2 amours, mon pays et Paris ». C’est l’époque des années 1920, celle des Années folles, l’époque du foxtrot et du charleston. On y fait des bals décadents, des soirées où se mêlent jazz, débauche et exotisme (selon les normes de l’époque) faisant le contraste avec les valeurs rigides d’avant-guerre. Cela va avec une certaine libération des mœurs : les femmes travaillent, fument en public, conduisent des voitures, etc. Les corsets de la Belle Époque disparaissent au profit de robes plus amples et les jupes dévoilent les genoux des jeunes filles.
Cette époque prend fin avec le krach boursier de 1929 et, 10 ans plus tard, éclate la Seconde Guerre mondiale. Paris est menacée par les nazis et leur idéologie raciste et Josephine Baker décide de s’engager dans la résistance pour défendre son pays d’adoption et cette liberté loin de toute ségrégation raciale qui l’avait tant marquée à son arrivée.
Un militaire, le capitaine Abtey, la recrute comme haut correspondant et la charge ainsi de transmettre des documents de manière secrète. Comme Joséphine est célèbre, régulièrement en tournée et se produit auprès des soldats français postés le long de la Ligne Maginot, elle a le profil tout indiqué pour cette activité discrète. Sa notoriété lui permet d’être invitée dans des lieux de pouvoir où elle côtoie les ministres, les diplomates et autres hommes de pouvoir. Cela lui permet de recueillir facilement de nombreuses informations à transmettre à la résistance. Les messages sont copiés sur ses partitions de chant à l’encre invisible. Au-delà de ce rôle de messager, elle cache des résistants chez elle au Château des Milandes dans le Périgord. Elle devient aussi ambassadrice du Général de Gaulle et obtiendra plusieurs décorations : la Croix de Lorraine en or, la Médaille de la Résistance et la Légion d’honneur.
En 1947, elle retourne pour la première fois aux États-Unis depuis la fin de la guerre (elle y était retournée pour une tournée en 1935, les Ziegfeld Follies). La ségrégation est toujours là. Elle refuse alors de se produire dans les établissements qui refusent l’accès aux Noirs, certains changent leurs règles d’autres non.
Dans sa vie, elle aura adopté 12 enfants issus de plusieurs pays. Ils forment sa « tribu arc-en-ciel », illustrant le fait qu’il n’y ait qu’une seule race : la race humaine. Mais les temps sont durs avec toutes ces bouches à nourrir. Faute d’argent elle est expulsée de sa propriété. Elle est aidée par plusieurs célébrités dont Brigitte Bardot et Grâce de Monaco. Elle finira par emménager à Monaco avec sa tribu. Pour rembourser ses dettes, Joséphine remonte une dernière fois sur scène à Bobino à l’âge de 68 ans, marquant aussi ses 50 ans de carrière. Malgré le succès, elle décède au bout de la 14e représentation le 12 avril 1975.
En novembre 2021, elle devient la sixième femme à entrer au Panthéon en guise de reconnaissance nationale aux côtés de Jean Jaurès, P. et M. Curie, Simone Veil ou Jean Moulin.