Cette semaine de nombreux établissements scolaires se sont retrouvés dépourvus d’enseignants du fait d’une grève nationale interprofessionnelle. La loi impose un service minimum assuré par les municipalités afin de permettre l’accueil des enfants (ou adolescents) malgré l’absence de leurs professeurs. On le sait cela ne s’est pas fait sans heurts et certains élèves ont du rester chez eux quand cela était possible. Les autres se sont éventuellement retrouvés dans leur établissement scolaire (école, collège ou lycée) à s’occuper car pas possible d’assurer des cours normaux dans ces conditions. Certains ont fait du dessin, d’autres des activités sportives, d’autres ont pu prendre de l’avance dans leurs devoirs de maison, etc. Il fallait bien les occuper ces pauvres chérubins. Et si c’était l’occasion de les initier à la danse à deux ?
Contrairement à ce qui se passe dans certains pays (dont l’Italie ou certains états des USA), en France, les activités scolaires ne prévoient pas d’une manière standard l’apprentissage de la danse en couple. En maternelle ou en primaire, il y a des dispositions pour des activités corporelles où l’on peut inclure la danse en solo (beaucoup d’entre nous se souviennent avoir un jour fait une chorégraphie collective pour la kermesse de fin d’année de l’école…). Cela développe les capacités psychomotrices des enfants. C’est très bien, mais la danse en couple apporte aussi un aspect relationnel intéressant pour leur développement. Cet aspect se situe au niveau des enfants entre eux (rapports garçon-fille et éventuellement entre plusieurs classes), mais aussi au niveau des relations entre les élèves et les adultes.
Je me souviens qu’à une époque j’enseignais le rock dans le contexte d’un collège. Ce n’est pas l’établissement qui m’avait engagé (la danse en couple n’était évidemment pas au programme…), mais c’était le foyer qui avait fait appel à mes services. Le cours se déroulait dans la salle polyvalente du collège et c’est là que se regroupaient les élèves de 4e ou 3e volontaires à l’heure de midi. Quelques profs s’étaient aussi joints à nous. La manière d’enseigner à des ados de cet âge est différente par rapport aux adultes ou aux enfants. Tous d’abord, les relations entre les garçons et les filles se rapprochent de celles des adultes, mais pas tout à fait (ils ont encore du mal à gérer leurs émotions) et en plus ils sont tellement pleins d’énergie et rodés à la mémorisation qu’ils apprennent très vite. Il faut donc s’assurer que les élèves comprennent bien que ce n’est que de la danse et qu’ils peuvent se toucher sans rougir, qu’ils ne s’ennuient pas durant le cours, qu’ils soient bien encadrés dans leur progression (peu d’improvisation pour eux pour démarrer) et qu’ils aient un objectif en vue (un petit spectacle ou une fête par exemple). Je me rappelle que le premier cours a été l’occasion d’une certaine gêne de la part des élèves quand arrivait leur tour de danser avec l’un de leur professeur. En effet, la situation était inhabituelle car faire ami ami avec un enseignant n’est pas forcément courant. Surtout quand il vient de lui mettre un 3/20 en mathématiques… Cela dit, au bout de quelques semaines, en arrivant pour donner le cours, je voyais avec plaisir certains qui répétaient leur enchaînement chorégraphique dans la cour et de grandes discussions se lancer entre les élèves et leurs professeurs sur la technique de danse et les profs n’avaient pas toujours raison cette fois. Devant la danse, tout le monde était sur le même pied (si je puis dire…). Ce cours de danse n’était pas resté dans une bulle hors du temps et de l’espace, il débordait vers le reste du collège.
Le récit de cette expérience aura, je l’espère, donné des idées à certains responsables d’établissement. Ce n’est pas une solution aux jours de grève (car il faut quand même quelqu’un pour montrer les pas de la danse) mais c’est une bonne idée à étudier. Je ne peux m’empêcher de penser que si j’avais commencé la danse en couple à l’école j’aurais eu moins de travail et de peine pour atteindre mon niveau actuel. Et je sais ne pas être le seul dans ce cas.